I Emprunts et calques.
Au cours des siècles, le lexique du français a été très influencé par les diverses langues avec lesquelles il s'est trouvé en contact au travers des guerres et des échanges culturels.
Les unités lexicales provenant d'autres langues que le français sont appelées des emprunts. Certains emprunts proviennent de l'anglais, mais le français a emprunté à d'autres langues :
Emprunts à l'allemand |
guerre, blason, épée, trêve, sabre
bûche, gerbe, hêtre, chouette, crapaud.
marquis, maréchal, baron, chambellan
choucroute, erzatz, fauteuil |
Emprunts à l'italien |
Piano Balcon Croissant, gratin |
Emprunts au portugais | baroque
calembour pintade |
Emprunts à l'espagnol | bizarre
tornade |
Emprunts au turc | divan
turban |
Emprunts à l'arabe | bazar
café |
Beaucoup de ces emprunts ont subi des changements de sens par rapport à la langue d'origine.
Les emprunts peuvent avoir été naturalisés :
balcone est devenu balcon
riding coat est devenu redingote
peanut est devenu pinotte au Québec.
to jog est devenu jogger
avec le suffixe –ing, on a créé de nouvelles unités lexicales n'ayant pas le même sens ou n'existant pas en anglais :
dancing (lieu où on dance)
parking (lieu de stationnement)
footing (course à pied)
smoking (costume de soirée)
Certains termes sont traduits littéralement à partir d'une autre langue :
skyscraper à gratte-ciel
walkman à baladeur
girlfriend à amie de fille (FQ) pour une amie ou une camarade (FF)
prendre une marche (FQ) pour faire une promenade (FF)
tomber en amour (FQ) pour tomber amoureux (FF)
Certains mots français changent de sens au contact d'autres langues
et recouvrent un champ sémantique auquel ils ne renvoyaient pas à
l'origine.
Par exemple en France, il est courant qu'on emploie réaliser
dans le sens de
se rendre compte :
je viens de réaliser ce qui s'est passé
Les emprunts structuraux et sémantiques sont appelés des calques :
Au Québec les calques sémantiques sont très répandus.
Par exemple, on emploie les mots :
roue (FQ)pour le volant d'une voiture (FF).
valise (FQ) pour le coffre à bagage (FF).
lumières (FQ) pour les feux de signalisation ou les phares d'une voiture (FF).
II Le statut sociolinguistique des emprunts au Québec
1. Il convient de faire une typologie des écarts :
Les emprunts lexicaux stricts |
les xénismes |
Ce sont des unités lexicales pour lesquelles il
n'y a pas de correspondant en français
ex. le carter d'une automobile |
Ce sont des unités lexicales empruntées pour faire chic
ou jeune.
ex. C'est cool |
Alors qu'en France les xénismes sont très répandus chez les jeunes et dans le milieu des affaires, notons qu'en québécois on a plutôt affaire à des emprunts qu'à des xénismes contraints, d'où le jugement sociolinguistique des puristes québécois qui voient dans l'emploi de certains anglicismes instrumentaux une incapacité à nommer les choses et un manque d'éducation.
Ainsi au Québec on trouve un certain nombre d'emprunts instrumentaux, notamment dans le domaine de la mécanique et de l'automobile, sachant qu'au Canada le secteur secondaire est dominé par les anglophones :
FQ |
FF |
truck bumper runner jack muffler |
camion pare-chocs faire marcher cric pot d'échappement |
Les régionalismes |
les statalismes |
|
Il s'agit de désigner une même réalité par un lexème différent de celui utilisé dans la variété de langue la plus courante | Ils permettent la description
d'une réalité culturelle pour laquelle il n'y a pas de correspondant.
Pour le Québec, il s'agit de canadianismes ou de québécismes
:
La province : réalité administrative n'existant pas en France où on trouve des départements. La Suisse, quant à elle, a des cantons.
Le portage est l'activité consistant à porter les canots à dos d'homme d'un point d'eau à un autre.
La poudrerie est une sorte de neige fine volant dans l'air |
|
FQ
carrosse chaudron fournaise |
FF
landau , poussette chaudière |
|
Pour les Français
de France, seules Cendrillon et les familles royales roulent dans un carrosse, le druide d'Astérix prépare sa potion magique dans un
chaudron,
Selon la région une même unité lexicale peut renvoyer à des réalités du monde différentes. |
Pierre Martel résume ainsi le phénomène des écarts
lexicaux du français au Canada :
Pour aller plus loin, voir aussi :
2. La variation de style
FQ (registre familier) |
FF (registre familier) |
registre neutre |
quétaine ou kétaine |
ringard |
De mauvais goût |
gratteux |
radin |
avare |
chum |
copain |
camarade |
achaler |
enquiquiner |
embêter |
placoter |
papoter |
bavarder |
Notons également que certains termes comme "patate" ou "bouffe", considérés comme familiers en France, sont passés dans l'usage courant au Québec.
© Henriette
Gezundhajt,
Département d'études françaises de l'Université
de Toronto, 1998-2004
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