On appelle phrase complexe toute phrase qui est composée de plusieurs
propositions en ce sens qu'elle possède plus d'un verbe conjugué.
Le premier membre de la phrase sera appelé protase et
le second membre apodose.
Protase | Apodose | ||
juxtaposition |
P |
Q |
|
coordination (les membres sont reliés par un connecteur) |
P |
* |
Q |
Subordination (au moins un membre de phrase dépendant) |
P |
* |
q |
En syntaxe, le champ des phrases complexes est appelé
supraphrastique. Le supraphrastique est au dessus des phrases.
Deux propositions peuvent êtres indépendantes et reliées
par la juxtaposition ou la coordination.
a) juxtaposition
procédé de mise l'une à coté de l'autre.
Implication sémantico-logique.
b) coordination :
j'ai faim donc je mange
J'ai faim et je mange
La liste des morphèmes pouvant servir de connecteurs à une coordination est fermée :
mais ou et donc or ni car
Dans la plupart des grammaires puis, ainsi et alors ne font pas partie de la liste
Par ailleurs "ni" est curieux dans cette liste, alors que "soit" qui est également un marqueur dédoublé autour d'un syntagme nominal n'est pas dans la liste
ni…ni,
soit…soit.
L'un des membres n'est pas indépendant syntaxiquement et est
gouverné par une tête phrastique.
À l'aide de conjonctions comme qui ou que (ou dérivées
de que : ainsi que, parce que, bien que, lorsque...), on
introduit un constituant enchâssé à l'intérieur
d'une phrase, subordonné à une tête.
a) La relative (expansion d'un syntagme nominal)
les pronoms relatifs "qui", "que",
"quoi", "dont", "où" sont
connecteurs et subordonnants.
Ce qui compte ce n'est pas la fonction du relatif mais l'antécédent.
L'homme qui avait un chapeau melon.
"l'homme" peut faire phrase (P est une proposition indépendante)
"avait un chapeau melon" (q est
subordonné à une tête). Il s'agit d'une contrainte
syntaxique.
La relative peut avoir des fonctions grammaticales diverses :
Par ailleurs, les relatives peuvent avoir plusieurs sens marqués
par des pauses à l'oral et des virgules à l'écrit.
b) La complétive (expansion du syntagme verbal)
Hors situation, construction d'un texte détaché avec structures
complètes à discours détaché : Explication,
description. (expansion du syntagme verbal introduit par un dérivé
de que, et ayant des conséquences sur toute la phrase)
Dans :
Je pense qu'il viendra
"il viendra" est subordonné
syntaxiquement et sémantiquement à "je
pense"
Dans le cas d'une complétive comme :
je considère que tu devrais y aller.
du point de vue sémantique, c'est p qui est subordonné
à Q étant donné que "tu
devrais y aller" peut faire phrase, mais pas "je
considère". Cependant, en syntaxe, on postule que tout
ce qui suit "que" est subordonné
à la proposition principale qui sert de protase.
C) la circonstancielle (expansion de la phrase)
Une proposition circonstancielle est introduite par une conjonction de subordination (ou une locution conjonctive) (comme, puisque, si, quoique, quand, lorsque, parce que, au cas où, avant que, après que…). Elle peut marquer :
Si tu venais plus souvent, tes amis seraient heureux.
Nous nous parlons comme si nous nous connaissions depuis toujours.
Où qu'ils soient, je les trouverai.
Je ne prendrai pas de dessert parce que je n'ai plus faim.
Je t'appellerai dès que j'arriverai.
Quoiqu'il soit sympathique, je n'ai pas confiance en lui
Il pleut, si bien que je ne vais pas sortir.
Je vais t'aider afin que tu puisses finir à temps.
On aurait cependant tort de croire que la phrase complexe correspond toujours
à une amplification du syntagme de base et que ses constituants
sont toujours remplaçables par un syntagme nominal, adjectival ou
prépositionnel. En effet dans la proposition la notion est affublée
de caractéristiques locatives, temporelles et aspectuelles non présentes
dans le syntagme simple.
C'est un homme qui a du talent mais qui s'en sert
mal.
C'est un homme talentueux.
* C'est un homme talentueux mais qui s'en sert mal.
Nous souhaitons qu'il pleuve longtemps.
Nous souhaitons la pluie.
* Nous souhaitons la pluie longtemps.
J'irai te voir dès que la nuit sera tombée
sur la ville.
J'irai te voir à la nuit tombée.
* J'irai te voir à la nuit tombée sur la ville.
Soulignons que, du point de vue énonciatif, les phrases complexes
relèvent d'une construction en discours détaché renvoyant
généralement à une explication ou à une description
hors situation énonciative.
Le discours rapporté consiste, pour l'énonciateur, à citer les propos ou les pensées d'un autre énonciateur hors situation.
Seuls deux degrés d'enchâssement sont possibles :
Pierre m'a dit que Marie lui a raconté ce qui s'était passé.
Selon son degré de prise en charge des propos ou des idées
de l'autre, l'énonciateur utilisera divers moyens syntaxiques :
Le style direct permet de rendre compte et de rapporter des propos sans s'impliquer du point de vue de la prise en charge. Pour ce faire il utilise la juxtaposition.
Il a dit : « Il n'est pas beau, ton dessin
!».
Par la citation indirecte, l'énonciateur s'implique plus sur sa prise en charge des propos rapportés. Le moyen syntaxique utilisé est la subordination :
Il prétend qu'il viendra.
(mais, le connaissant, je ne pense pas qu'il
viendra -> prise en compte)
Pierre m'a annoncé qu'on va partir.
(prise en charge)
Prendre en charge, c'est dire ce qu'on considère ou donne comme vrai. Notons que le mensonge est toujours possible, même si les faits sont donnés comme vrais. La prise en charge peut être simulée.
Le rapport entre style direct et style indirect est, en fait, la possibilité de jouer sur la prise en charge.
Il s'agit d'un effet de style introduit dans les romans au XIXe siècle.
On introduit dans le texte un élément mimant l'échange dialogique. Il y a une combinaison entre le style indirect et l'évocation d'un dialogue ou d'un monologue intérieur. Il n'y a pas de prise en charge de la part de l'auteur-énonciateur.
Le moyen syntaxique utilisé est alors la phrase simple ou la
juxtaposition de phrases simples :
C'était décidé, il en avait
assez, il ne la reverrait plus !
Notons qu'il est rare de rapporter les paroles d'un locuteur telles qu'elles ont été émises. La plupart du temps, on rapporte l'acte de langage que ces paroles sous-tendent.
Il s'est insurgé.
Il a revendiqué ses droits.
Il a déclaré sa foi.
Il a dénoncé ce scandale.
Il s'est plaint.
Il s'est excusé.
Il a nié...
© Henriette
Gezundhajt,
Département d'études françaises de l'Université
de Toronto et de l'Université York à Torornto, 1998-2014
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