6.2. Le cas du sujet



 verbes de perception
 constructions
causatives






Un autre phénomène intéressant en français est que les N'' ne sont pas permis dans certaines positions où on s'attendrait à ce qu'ils soient permis. Considérons la phrase suivante:

    Je crois que Jean connaît Marie.

Ici, Jean est le sujet du verbe connaître dans la phrase enchâssée. A première vue, le fait que la phrase enchâssée ait un sujet dépend du verbe connaître tout comme le fait que Marie soit l'objet direct dépend de ce verbe puisque qu'on ne peut pas avoir:

    * Je crois que Jean vient Marie.

Cette phrase est agrammaticale parce que le verbe venir n'accepte pas un objet direct.

Considérons maintenant une phrase similaire mais différente :

    * Je crois Jean connaît Marie.

Pourquoi cette phrase est-elle agrammaticale ? On sait que le verbe connaître accepte normalement un sujet mais dans ce cas la présence du sujet rend la phrase agrammaticale. Si on élimine ce sujet, elle redevient grammaticale mais avec une interprétation différente :

     Je crois connaître Marie.

La seule différence entre les deux phrases est que, dans la deuxième, le verbe connaître est à l'infinitif, il n'est pas conjugué. On peut donc conclure que seuls les verbes conjugués peuvent avoir un sujet. Malheureusement, ceci n'est pas tout à fait exact. Considérons les deux phrases suivantes:

    J'ai vu l'assiette tomber.
    Il a fait manger la tarte à l'enfant.

Dans les deux phrases nous avons un verbe à l'infinitif et dans les deux phrases ce verbe a un sujet. Dans la première, l'assiette est le sujet de tomber puisque c'est elle qui fait l'action. Dans la deuxième, l'enfant est le sujet de manger puisque que c'est lui qui fait l'action. On peut noter toutefois que ces constructions sont un peu particulières en français; ce ne sont pas des phrases ordinaires. La première ne fonctionne qu'avec une certaine classe de verbes, les  verbes de perception (voir, entendre, sentir, etc.) alors que la deuxième est une  construction causative qui ne fonctionne en général qu'avec les verbes faire et laisser. Il nous faut donc modifier notre interprétation de la raison de l'agrammaticalité de :




    * Je crois Jean connaître Marie.

Puisque la différence entre cette phrase et la première :

    Je crois que Jean connaît Marie.

se situe dans le fait que le verbe soit conjugué ou non, on dira que la présence d'un sujet est permise, normalement, par la présence d'un Temps dans la phrase. En fait c'est le Temps qui permet à un verbe d'avoir un sujet; ce n'est pas une propriété du verbe lui-même. Puisque le Temps appartient à la phrase, la présence d'un sujet est une propriété de la phrase.

La question est maintenant de déterminer pourquoi la présence d'un Temps permet la présence d'un sujet et pourquoi son absence force l'absence d'un sujet.

La façon la plus simple de répondre à cette question est d'avoir recours au concept de cas. Faisons donc l'hypothèse que le cas sujet (ou nominatif) dans une phrase est donné par le Temps. Nous dirons donc que dans:

    Je crois que Jean connaît Marie.

Jean a le cas sujet et que celui-ci est donné par le Temps. La présence d'un Temps est indiquée par le fait que le verbe soit conjugué. Par contre, dans la phrase:

    * Je crois Jean connaître Marie.

il n'y a pas de Temps puisque le verbe est à l'infinitif. S'il n'y a pas de Temps, il n'y a pas non plus de cas sujet et s'il n'y a pas de cas sujet alors il ne peut pas y avoir un N'' sujet. Dans l'autre phrase, le verbe est conjugué; il y a donc un Temps, un cas sujet donné à Jean et la phrase est grammaticale.

Nous noterons la présence d'un temps à l'aide du trait [+T] et son absence par le trait [-T]. La configuration suivante est donc exigée pour l'assignation d'un cas au N'' sujet :

                   I''
                  /\
            N''        I'
                       |
                       I
                       |
                      [T]



LES PRONOMS PERSONNELS
EN FRANÇAIS